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Album – KANGEIKO 2009 –

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Discours de Sakudo Senseï Kendo Hanshi 8è dan concernant le Kangeiko

Kendo World 6,2 (Kendo World Volume 6) (Alexander Bennett)

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Sakudō Masao (8e dan Hanshi). L’article qui suit est une transcription d’un discours que Sakudō Masao-sensei a prononcé lors du 24e séminaire international de la culture Budo en Mars. Le développement du budo, une forme de la culture traditionnelle japonaise, est intimement lié au climat et aux caractéristiques physiques de l’archipel Japonais. Le Japon est un pays long, s’étirant de Hokkaidō jusqu’à Kyūshū. Il est montagneux avec un grand nombre de rivières, et est entouré par l’océan. Il est gratifié par les quatre saisons, le printemps, l’été, l’automne et l’hiver. Il est décrit comme « un pays magnifique encapsulé par le printemps et l’automne. » Ces deux saisons sont extrêmement tempérées. En revanche, il se produit des pluies torrentielles et des typhons l’été, et l’humidité de cette partie de l’année est très grande, ce qui peut rendre inconfortable cette période. En hiver, il y a de fortes chutes de neige. Avec les événements de l’année dernière, il est évident de constater que le Japon est une terre de séismes, de typhons, de volcans et de conditions climatiques sévères. En vivant dans cet environnement, le peuple japonais a traditionnellement adoré la nature avec une croyance polythéiste suivant laquelle les divinités résident dans chaque chose.

Les pratiquants du budo s’entraînent en accord avec les quatre saisons. Le printemps et l’automne sont des périodes plaisantes de l’année pour le keiko (l’entraînement). Nos ancêtres ont beaucoup réfléchi à la manière dont l’entraînement pourrait être organisé en fonction des rudesses climatiques de l’été et de l’hiver. C’est la raison pour laquelle nous avons le kan-geiko et le shochū-geiko respectivement aux périodes les plus froides et les plus chaudes de l’année. De nos jours, à travers le Japon, des hommes et des femmes de tout âge veillent à leur travail quotidien ainsi que leurs devoirs familiaux tout en s’entraînant dans un dojo local. Dans les écoles, le budo est aussi pratiqué dans des clubs de tout niveau au Japon , et à partir d’Avril 2012, c’est devenu une matière obligatoire en cours d’éducation physique au lycée. Il est malheureux de voir que dans les clubs scolaires, les étudiants sont généralement en interaction à travers le budo avec des personnes du même groupe d’âge. De plus, ils s’entraînent tout au long de l’année pour des tournois, ce qui soulève le problème de la compétitivité manifeste. De là découle la pensée selon laquelle la victoire est l’objectif ultime, et le risque que le kendo passe d’un mode de vie à un sport de combat dans lequel gagner est l’unique préoccupation. Les idéaux de « seiryoku-zen’yō » (utilisation de l’énergie avec une efficacité maximale) et « jita-kyōei » (bénéfice mutuel pour soi-même et pour les autres) adoptés par le fondateur du judo, Kanō Jigorō, vont être perdus alors que le budo tombe dans le domaine de l’égocentricité. Alors que le flux de compétitivité progresse, je pense que les divers arts du budo doivent mettre en œuvre des efforts intensifs pour s’assurer qu’il ne transmettent pas aux gens de dispositions égoïstes.

A la lumière de ces éléments, je voudrais parler de l’entraînement spécifique en accord avec les quatre saisons citées précédemment.

 

Le Kan-geiko (entraînement du milieu de l’hiver) et le Shochū-geiko (entraînement du milieu de l’été) accueillent des pratiquants de tous âges et de tous sexes. Trois générations, de degrés de compétences variés, peuvent prendre du temps sur leur planning quotidien pour s’entraîner ensemble dans un exercice difficile de développement personnel. La signification du kan-geiko et du shochū-geiko est que les gens de tous âges et expérience peuvent enseigner et apprendre des autres. C’est quelque chose que nous devrions tous reconsidérer. Au milieu de notions variées comme « devenir plus fort avec l’âge », « le kendo durant toute une vie » et « la théorie orientale esprit-corps », les jeunes collégiens et lycéens développent leur perception par l’entraînement avec des senseis qui sont beaucoup plus âgés qu’eux. L’interaction inter-générationnelle est un aspect très important de tous les arts du budo. J’ai réfléchi pendant presque quatre décennies sur la façon dont le kan-geiko et le shochū-geiko peuvent être construits pour bénéficier au mieux aux étudiants.

Durant mes neuf années passées à travailler à Tokyo, mon meilleur souvenir est une expérience vécue au lycée Hibiya qui avait un club de kendo comptant environ trente membres. Je donnais des cours au lycée deux fois par semaine, et les étudiants m’ont dit qu’ils voulaient réellement faire le kan-geiko. Le lycée Hibiya est axé sur le fait d’amener les élèves vers les universités de haut niveau, et ceux-ci avaient des examens d’entrée très importants au printemps. Au début, je n’ai pas réellement compris ce que pouvaient être leurs motivations, mais ils ont insisté pour faire le kan-geiko, et j’ai accepté à condition que chacun d’eux fasse l’effort d’amener un de ses camarades de classe. J’ai pensé que s’ils amenaient un ami et qu’ils transpiraient ensemble en faisant du kendo au kan-geiko, cela pourrait encourager des amitiés plus fortes, et au final avoir un effet positif sur leurs études et leurs examens imminents. Quand on l’a fait, nous avons eu plus de 120 participants la dernière journée.

Ensuite, je fus nommé à un poste à l’Université des sciences de la Santé et du Sport d’Osaka. L’université n’avait alors pas de dojo, et le club de kendo ne comptait qu’une vingtaine de membres. J’ai pensé être venu dans un endroit désolé. Pourtant, j’ai essayé de mettre en pratique ce que les étudiants du lycée Hibiya m’avaient appris, et j’ai décidé d’introduire le kan-geiko dans le club de kendo de l’université. Comme il n’y avait pas beaucoup d’élèves, il n’y avait que 3 à 5 personnes dans le rôle de motodachi. Après 5 années, le nombre de motodachi avait atteint des nombres à deux chiffres, et alors que le nombre d’étudiants grandissait, il en était de même pour le nombre de participants hors-étudiants qui rejoignaient le kan-geiko. Les samedis et les jours de congés, nous avons aujourd’hui environ 150 motodachi et 300 kakarite (attaquants) qui participent. Le succès du kan-geiko dépend des motodachi. L’âge de ceux-ci est varié, et la façon de recevoir les attaques des kakarite diffère d’une personne à l’autre. Avec les motodachis exerçant toute leurs énergie et leur force, le contenu de l’entraînement des kakarite change grandement. C’est la chose intéressante dans le kan-geiko.

Le programme du kan-geiko commence par un réveil à 4:30 du matin. A 5:20, tout le monde, de l’élève d’école primaire aux grand-pères courent autour du dojo au chant du « wasshoi, wasshoi ! ». Cela indique le début de l’entraînement pour la journée. Après cela, le kirikaeshi est pratiqué pendant 40 minutes. Il y a plus de karakite que de motodachi, donc c’est similaire à un entraînement à intervalle. Suivant le motodachi, il est possible que le kakarite pratique 300 ou 400 men sur un seul passage. Après le kirikaeshi, les kakarite pratiquent l’uchikomi et le karaki-geiko (pratique de l’attaque). C’est un entraînement rigoureux. Le motodachi esquive, contre-attache, bloque, et se heurte à l’attaquant pendant 40 minutes. Cette partie est suivie par 40 minutes supplémentaires de gokaku-geiko (combat). La session du matin dure ainsi 2 heures. Dans l’après-midi, nous commençons par relâcher le corps par des étirements, puis nous pratiquons le suburi, et le zazen pendant 40 minutes. Après cela, nous avons 1 heure de ji-geiko.

Le kan-geiko dure 15 journées avec ce même planning quotidien. Le succès du kan-geiko dépend des motodachi. Certains ne sont pas très bons dans ce rôle, alors que d’autres sont « chaleureux ». Même les enfants préfèrent s’aligner pour un motodachi qui va les mettre à l’épreuve et les faire travailler dur plutôt qu’un motodachi qui leur permet d’attaquer facilement et qui se dérobent devant eux. Les étudiants de plus haut niveau enseignent aux motodachi à bien se mouvoir dans ce rôle par leurs attaques fortes et rapides.

« Stimuler les instincts et les diriger dans une direction plus rationnelle » est le prémisse sous-jacent de la pédagogie dans le budo. Je pense qu’il est important de respecter les aspects éducatifs du kendo dans lesquels enseigner à quelqu’un implique d’abord le « déni » qui par la suite devient « affirmation ».

Deux choses merveilleuses se sont produites lors du kan-geiko cette année. Tout d’abord, il y a eu beaucoup d’élève d’école primaire qui se sont levés à 3:00 du matin chaque jour pendant deux semaines pour venir s’entraîner. Ils étaient accompagnés par vingt ou trente mères, pères et grand-parents qui sont venus regarder. Au fur et à mesure, certains des grand-parents nous ont rejoint pour s’échauffer et courir autour du dojo. La seconde chose plaisante fut la participation de kenshis venus d’Italie et de Corée, ainsi que 6 pratiquants venant du sud de la France.

Apparemment en France, le style de vie idéal pour les personnes âgées de plus de 50 ans est une vie calme, faite de promenade et de lecture de livres. Quand je suis venu enseigner lors d’un séminaire en France quelques années auparavant, il y avait quelques instructeurs français dans leur cinquantaine qui s’entraînaient avec l’équipe nationale. Alors que les plus jeunes les délaissaient, ils paraissaient découragés. Ayant vu cela, j’ai voulu leur remonter le moral en disant « le kendo commence réellement après 50 ans. C’est très important ! ». Les mots « shōgai kendō » (kendo sur toute une vie) et “sansedai kyōshū kyōdō” (trois générations apprenant et enseignant ensemble) ont exprimé mon désir de les voir continuer à pratiquer le kendo, au lieu de juste se contenter de promenades et de lecture.

Cette année, trois des visiteurs originaires de France étaient dans leur cinquantaine, et ils sont venus pour en apprendre plus sur ces concepts au travers du défi rigoureux du kan-geiko. L’équilibre à trouver entre les aspects culturel et compétitif dans le sport moderne est problématique pour tous les arts du budo.

La victoire sportive est décidée par les points et les décisions externes. Dans le cas du kendo, la victoire est décidée par le jugement des arbitres qui représentent le degré de difficulté le plus élevé dans les sports puisque l’arbitre doit prendre une décision instantanée pour décider de la victoire ou de la défait parmi un grand nombre d’actions. Je pense que le monde du kendo doit se promouvoir en tant que sport mineur fier, soulignant ses attributs culturels uniques. Le kan-geiko est une représentation formidable de la profondeur de la culture du kendo, et nous aide à comprendre les bénéfices de participer à ce type d’activité à l’époque moderne.

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Kangeiko – Taidai no Meibutsu

Kangeiko – Taidai no Meibutsu

Article tiré de KendoWorld – Par Alex Bennett / 10 Mars 2009

C’était avec beaucoup d’excitation et une certaine part d’appréhension que j’ai récemment participé au ‘kangeiko’ (entraînement d’hiver) de 15 jours du club de Kendo de l’Université des Sciences médicales et sportives d’Osaka (connue sous le nom de Taidai). L’université est réputée à travers le Japon pour ses grands professeurs et ses étudiants experts. Cela fait une année que j’enseigne à l’université, en grande partie dans le but personnel de rejoindre les entraînements de kendo de fin de journée.

Le cercle des anciens du club de kendo se vante de compter d’illustres personnes comme Ishida Toshiya et Seike Kōichi, tous deux ex-membres de l’équipe du Japon. Au niveau des professeurs, on compte Sakudō Masao (8e dan Hanshi), Kanzaki Hiroshi (8e dan Kyoshi et actuel entraîneur de l’équipe féminine du Japon) et Kokubo Shōji (8e dan Kyoshi). Le club de kendo de a remporté les championnats universitaires de nombreuses fois par le passé, et on les attend toujours dans le haut niveau, même dans les mauvais jours. Le niveau est élevé, tout comme la motivation des étudiants, des professeurs et des anciens.

En dehors des tournois, il y a bon nombre d’autres évènements importants dans le calendrier annuel du club. L’un des plus difficiles est le célèbre kangeiko de 15 jours – l’un des évènements fameux (meibutsu) de Taidai. Le principe du kangeiko est de s’entraîner intensivement pendant la période la plus froide de l’année. Comme pour de nombreuses pratiques épuisantes employées dans le kendo, il y a la méthode derrière la folie. Comme il fait si froid, vous devez bouger constamment, et quelle meilleure manière de se réchauffer que de s’engager dans un grand nombre de kiri-kaeshi et de kakari-geiko !

Ainsi, le kangeiko est le moment où le kenshi se rue avec des cris frénétiques en attaquant avec toute son énergie pour bâtir sa force, son endurance et cet esprit de courage devant l’épreuve qui est si important. Cette année, cependant, c’était le kangeiko le plus chaud jamais enregistré… Cela rendit les entraînements plus durs.

Le kangeiko a commencé le 28 Janvier à 5:30 du matin. En commençant aussi tôt chaque matin, j’étais obligé de rester à la pension de l’université pour la totalité des 15 jours. Il y avait plusieurs visiteurs qui sont venus et repartis, en fonction de leurs obligations professionnelles. Quatre kenshi de Marseille et moi-même étions là pour la totalité…

Chaque matin, je devais me lever à 4:30 et ramper lentement hors de la chaleur et du confort de mon futon bien aimé. Après avoir mis mon équipement et avoir pris un sachet multi-vitaminé, je me dirigeais vers le gymnase du campus, prêt pour le début de la session du matin.

Nous commencions par nous aligner et courir pendant 15 minutes autour du vaste gymnase en criant « Wasshoi! Wasshoi! » – le cri utilisé pour transporter les sanctuaires portables lors des festivals. Je suppose que cela permettait d’accentuer l’esprit festif du kangeiko – ou du moins pour encourager la bonne humeur avant la mêlée. Comme nous courrions autour du gymnase en formation disciplinée, le drapeau du club de kendo de l’université drapé sur le mur se soulevait par la brise créée à notre passage, comme si il applaudissait nos efforts. Suite à cela, nous faisions des étirements, 200 suburi, le salut, et nous commencions exactement à 5:30.

Les entraînements du matin étaient divisés en 3 sections de 40 minutes sans aucune pause entre. La première était réservée au kiri-kaeshi, suivi de 40 autres minutes de karaki-geiko, et enfin le ji-geiko. Le but est de se pousser au-delà de ses propres limites physiques et mentales, et de se laisser aller tout en se lançant dans des attaques.

Moi-même, les anciens (qui étaient en grand nombre), les sensei visiteurs, et les étudiants de 4e année avons servi de motodachi pour les autres étudiants. Cela peut sembler facile, mais croyez-moi quand je vous dit que ça a été un travail éreintant ! Sakudō sensei a observé les motodachi avec attention, et a donné de judicieux conseils sur la manière de recevoir proprement les attaques. Comme il le dit lui-même, « Le rôle du motodachi est crucial. Le motodachi offre essentiellement son corps pour qu’il soit découpé, embroché, frappé et taillé pour le bien du développement des étudiants. » Les étudiants qui attaquent sont privilégiés d’avoir cette opportunité de progresser. Mais si les motodachi n’assument pas leur rôle proprement, les étudiants tirent peu de bénéfices de leurs efforts.

Conscient de cette lourde responsabilité, chaque kiri-kaeshi et kakari-geiko était reçu avec des efforts concentrés et une intensité implacable, maintenant avec attention la distance correcte, appliquant une force suffisante pour recevoir et repousser, et manœuvrant assidûment tout en indiquant subtilement les ouvertures pour frapper.

Dans le kiri-kaeshi, par exemple, on m’a conseillé de garder ma main gauche fermement au niveau de mon nombril et d’absorber ou de dévier dans le bon rythme les attaques pour pousser l’étudiant à allonger les bras, avancer et reculer sans maladresse. J’ai dû créer une situation qui était naturelle pour lui et qui lui donnait l’envie de continuer.

En fait, l’une des leçons les plus importantes que j’ai apprise durant le kangeiko a été la fonction significative du rythme du motodachi. Le motodachi doit contrôler la cadence, en termes de force et de mouvement. Je suis sûr que chacun de nous s’est déjà senti à l’aise en recevant certains kakarite, et maladroit avec les autres. Il y a toujours une tendance à jeter le blâme sur l’attaquant pour une attaque confuse et en rupture. Après cette expérience du kangeiko, je suis maintenant convaincu que toute maladresse de l’attaque est inextricablement liée à l’inaptitude du motodachi.

Le rythme et le mouvement ne sont pas les seuls points à considérer. Le motodachi doit aussi rentrer dans le psychisme de l’attaquant. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut le mettre à l’aise, développer une relation de confiance, et apporter les modifications nécessaires pour lui faire exprimer la totalité de l’esprit et les compétences qu’il a en lui.

Tel est le poids des responsabilités qui repose sur les épaules du motodachi. J’ai immédiatement pensé à la façon dont les personnes en dehors du Japon sont si désavantagées à cet égard. Le motodachi peut essentiellement faire ou défaire le potentiel de progression d’un élève. C’est un point crucial mais souvent négligé.

Bien sûr, ce n’était pas toujours dans un sens. Selon l’étudiant, la rencontre tournait parfois en ai-kakari geiko dans lequel nous attaquions tous les deux de manière frénétique jusqu’à ce que l’un de nous deux cède. Puis, généralement, cela se transformait en un combat de lutte contre le mur ou sur le sol. C’était au motodachi de décider quand chaque kiri-kaeshi ou kakari-geiko s’arrêterait, et la personne suivante dans la file commencerait alors.

Parfois le motodachi était si absorbé que le combat pouvait durer une dizaine de minutes, voire plus. C’est épuisant pour les deux parties, mais vous ne sentiez pas la douleur, juste l’envie de continuer. Vous perdez complètement la notion du temps alors que vous devenez totalement absorbé par chaque confrontation individuelle.

Les sessions de l’après-midi dans le dojo commençaient par des étirements, 40 minutes de Zazen, suivies de 40 minutes de ji-geiko. Zazen a nécessité un peu de temps pour s’y habituer. Il est très difficile de vider son esprit de toute pensée superflue quand vos jambes vous font mal, et qu’un entraînement de basketball se déroule dans la salle au dessus du dojo. Après avoir compris qu’il fallait pensé à une grande boule noire montant et descendant en phase avec ma respiration, j’ai trouvé que le temps passait très vite. Le dernier jour, je n’ai même pas senti la douleur dans mes jambes. Mes amis français qui ont aussi participé pourraient être en désaccord.

Les élèves ont quelques traditions qu’ils suivent durant le kangeiko. Par exemple, « tsubushi » – où les juniors se liguent contre leur sempai en 4e année et l’attaquent vigoureusement en succession rapide, jusqu’à ce que le senior plie par l’épuisement provoqué par l’absorption incessante du tai-atari. Puis les juniors se jettent sur lui et retirent son men dans une cacophonie bruyante de cris triomphants. C’est une façon de remercier le sempai pour tous ses conseils bienveillants au fil des ans, et une façon de lui dire au-revoir avant la remise des diplômes. C’était une sorte de « mort-par-motodachi » avant que les étudiants de 4e année ne quittent l’université et continuent leur chemin dans le monde réel. En ce sens, le kangeiko est une étape très sentimentale pour les étudiants.

C’est également le dernier événement de l’année, qui vient compléter l’initiation de l’étudiant de première année comme membre à part entière du club de kendo. Il y a une grande fête le soir avant le dernier jour dans le dojo. Les étudiants s’enivrent naturellement (uniquement avec de la bière), et reçoivent leur plaque nominative officielle des mains de Sakudo sensei, pour l’accrocher sur le mur du dojo. Avec ce rituel, ils sont à un entrainement de la fin du kangeiko, et leur appartenance à la famille du kendo de Taidai est assurée pour toujours.

Une autre grande tradition est le « Gonin-gumi », qui est habituellement considéré comme le dernier épisode, le dernier jour du kangeiko. Les élèves se divisent en groupes de 5 et font « enjin-ai-kakari-geiko » – c’est-à-dire une personne fait ai-kakari jusqu’à ce que le tambour sonne, puis change de partenaire jusqu’à passer avec l’ensemble du groupe. Ensuite, la deuxième personne commence. Tous deviennent des épaves à la fin de l’exercice, mais comme c’est le hourra final, ils sont tous de très bonne humeur. Beaucoup de larmes sont versées à la fin de Gonin-gumi.

J’ai participé à de nombreux camps d’entraînement difficiles dans ma carrière en kendo. Toutefois, celui-ci était spécial pour un certain nombre de raisons. Peu de gasshuku durent plus de 7 jours. Celui-ci était de deux semaines. Les hauts et les bas que j’ai pu expérimenter physiquement et mentalement étaient extrêmes. Il m’est paru tout à fait clair que la différence entre une bonne session et une mauvaise dépendait de mon état d’esprit. J’ai trouvé que, même dans le dernier tronçon du kangeiko, lorsque la fatigue était au maximum, une attitude positive faisait la différence entre un entrainement dynamique et un lent. C’est la différence simple entre « Je veux être ici », et « Je dois être ici ».

Une autre caractéristique fantastique du kangeiko de Taidai réside dans les personnes qui y participent. Les chiffres ont été incroyables. Durant les deux semaines, le total global de personnes à toutes les séances s’élève à plus de 4000. Un jour, il y avait plus de 350 personnes s’entassant dans le gymnase. Les plus jeunes étaient deux enfants d’école maternelle dont les parents avaient tenu à les accompagner chaque matin sans faute. Cela signifiait qu’ils devaient se lever à 3:30 du matin, puis les emmener à l’école après l’entrainement. C’est ce que j’appelle des parents dévoués. Il y avait aussi des centaines de lycéens dans le groupe, et le « Who’s who » du monde du kendo avec beaucoup trop d’étoiles à mentionner. Les étudiants tenaient des registres détaillés des participants chaque jour.

Les choses que j’ai apprises sont aussi nombreuses que les centaines de personnes avec qui j’ai pu m’entraîner pendant ces deux semaines. Il y a trop de choses à traiter en une fois, et je présume que je vais encore les travailler jusqu’à ce que le kangeiko de l’année prochaine commence. C’est un jour que j’attends maintenant avec rien de plus que de l’excitation.

 

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