Nippon Kendo Kata – Réflexions sur l’enseignement

Professeur SAKUDO Masao
(Osaka University of Health and Sport Science)

Introduction

Quand il a été décidé que l’enseignement du kendō ( et du budō) deviendrait obligatoire au lycée, les experts étaient assez étonnés de voir qu’il y avait autant de problèmes complexes à résoudre.
Il y a quelques temps, lors de l’Assemblée Générale de la Fédération scolaire de Kendo (Gakkō Kendō Renmei), il a été déterminé que le Chūtairen (Association Athlétique Lycéenne) devrait prendre un rôle de premier plan en ce qui concerne le kendō au niveau scolaire à travers le pays. Le Ministère de l’Education, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (MEXT) dirigerait de manière officielle, mais la Fédération scolaire serait en charge de la promotion au niveau des écoles. En d’autres termes, la réalité est que ce sont les fédérations régionales de kendō qui sont en charge de fournir les moyens humains et financiers nécessaires pour permettre la réalisation des objectifs éducatifs.

Il y a en fait beaucoup de professeurs en charge de clubs et d’enseignement de kendō en lycée qui ne sont pas de réels pratiquants eux-mêmes, et il est certain qu’ils vont devoir faire face à beaucoup de difficultés à partir de maintenant. Le MEXT a affecté des ressources considérables en termes de temps et d’argent pour planifier des initiatives et des programmes, mais il nous faut maintenant nous interroger sur le fait de savoir si l’état actuel de préparation est suffisant pour diriger des cours de kendō de manière efficace. Il semble que nous allons très vite avoir besoin de coopérer tous ensemble pour que le système fonctionne, mais au final, cela est directement lié à la source de l’enseignement au niveau régional.

Je suis heureux d’être ici à la 41e Convention de l’Académie Japonaise du Budo, à l’Université Keio. Je suis particulièrement attiré par le logo de l’université, une épée croisant un stylo, et ces anciens chapeaux traditionnels que les étudiants avaient l’habitude de porter. Comme le dit la vielle maxime, la plume est plus puissante que l’épée. C’est ce qu’indique ce logo, et c’est aussi une notion que soutient l’essence de l’Académie Japonaise du Budo.

J’ai été un assistant dans cette université deux fois par semaine pendant quatre années aux côtés de Nakano Yasoji, qui était le Shihan du club de kendō. J’étais encore jeune à cette époque, mais j’ai vu la manière dont le succès du club a décliné puis est remonté jusqu’au point de dominer son rival traditionnel, Waseda, pour enfin obtenir d’excellents résultats au Championnats Universitaires du Japon. Nous devons respecter l’esprit de cette école. J’étais chanceux de pouvoir m’entraîner au Dōjō Mita l’autre jour, et d’avoir pu engager une conversation très instructive avec un jeune professeur présent.

Quoi qu’il en soit, tournons nous à présent vers notre propos du jour. Au symposium de l’an passé, le forum de la division de kendo était basé sur le thème du kenjustu kata et du kendō au shinai, retraçant la transition de la technique de “Couper et Pousser” vers “Frapper et Pousser” . Nous nous sommes penchés sur la connexion entre le kendō moderne utilisant le shinai et les formes classiques d’arts du sabre en termes de méthodes de coupe et d’estoc (zantotsu).

Je voudrais revenir encore une fois sur la transition entre le kendō kata et le kendō au shinai. En faisant cela, j’espère que nous pourrons avoir une vision complète de la corrélation avec le zantotsu kendo, et dans le même temps apprécier la manière dont nos prédécesseurs ont amassé leur sagesse dans la création d’une nouvelle Voie pour l’étude permanente.

Pourquoi étudier le Nippon Kendo Kata de nos jours ?

Pour poursuivre sur le thème de notre dernière réunion (sur les méthodologies datotsu et zantotsu), je voudrais aujourd’hui examiner les voies d’enseignement du Nippon Kendo Kata.
Pourquoi devons nous étudier le Nippon Kendo Kata aujourd’hui ? A l’origine de cette question réside la préoccupation que le kendō moderne au shinai dévie vers un kendō de compétition, et est en train de devenir un sport. Comme vous le savez tous, l’affiliation du kendō au GAISF (Sportaccord) représente la deuxième étape de son internationalisation.
Comment devrions-nous percevoir le sabre au sein de l’histoire martiale, et quels sont les aspects de sa culture que nous avons besoin de conserver et d’intégrer dans les règles d’un combat en tant que caractéristiques compétitives, établissant ainsi un nouvel ensemble de valeurs pertinentes ?
Près d’un siècle s’est écoulé depuis la création du Nippon Kendo Kata, mais très franchement son état de propagation est lamentable. Il semble que la seule raison pour laquelle les pratiquants l’apprenne soit dans le but de passer l’examen de grade.
Inoue Masataka a écrit le livre Nippon Kendō Kara no Riron to Jissai (La Théorie et la Pratique du Nippon Kendo Kata, Taiiku sports Shuppansaka, Nov, 1999). Il fait le constat sévère que le Nippon Kendo Kata a été mis à l’écart par les pratiquants de kendō et délaissé de l’enseignement, et n’a toujours pas été rétabli ou popularisé. L’enseignement actuel du kata est superficiel et se focalise sur une forme dans laquelle le véritable esprit du kata ne peut jamais être transmis.
Quelqu’un a posé la question dans une présentation un peu plus tôt : “Comment devons nous résoudre les problèmes de l’attitude, de l’action et de la manière de penser en kendō ?”. Pour aller dans cette direction,  je pense que le kata est plein de sens, et la manière d’envisager sa signification est très importante.
Il y a plusieurs façon d’interpréter le kata, mais trouver un dénominateur commun dans notre perception va permettre à la culture traditionnelle du kendō de perdurer. La manière dont les différents paramètres et les modes de comportement peuvent être développés au travers du kata est de la plus haute importance dans le kendō. Aujourd’hui, je voudrais apporter une rectification à quelques erreurs dans la façon d’enseigner le kata, et au manque de recherche tangible conduite sur le sujet.

Le but de l’apprentissage du kata

Les premiers kata de kenjustu ont été codifiés à partir des expériences en combat réel des fondateurs des écoles, et ont englobé la manière dont l’esprit et le corps opèrent conjointement pour un effet optimal dans la confrontation en un contre un en termes de timing et de distance. Ceux qui ont appris le kata ont eu à intégrer les mouvements et, au travers de la répétition constante, sont parvenus à faire l’expérience de la connaissance des fondateurs. En d’autres termes, le kata peut être décrit comme un vecteur par lequel l’adepte peut réaliser l’union de l’esprit, de la technique et du corps (shin-gi-tai) dans un processus de compréhension, d’apprentissage et de maîtrise des techniques.

Durant l’ère Tokugawa, l’attitude des guerriers bushi envers leurs sabres a vécu une transition de l’utilisation pour tuer (setsunin-tō) vers l’utilisation pour préserver la vie (katsunin-ken). A travers la pratique du kata, les arts martiaux ont évolué et ont permi au guerrier d’étendre sa compréhension des fondements de la vie. De l’ère Bakumatsu au début du 19e siècle, le nombre d’écoles de kenjutsu a augmenté pour atteindre les 500, avec plus de 200 écoles fondamentales toujours existantes.

Le Nippon Kendo Kata a été formalisé pour la première fois au début de l’ère Taishō (au début du 20e siècle). Les efforts produits pour créer un nouvel ensemble de kata peuvent être vus comme symbolisant la nécessité d’unification des différentes écoles de kenjutsu dans le processus de modernisation du kendō après l’ère Meiji. C’était également un moyen de remédier à différents problèmes soulevés par le kendō au shinai, comme un tenouchi incorrect, de mauvaises postures d’attaque, des attaques sans se soucier des lignes de coupes de la lame (hasuji), etc … Cependant, il est clair que cela n’a eu absolument aucun effet en ce sens.

J’ai commencé à travailler à l’Université de la Santé et de la Science du Sport d’Osaka au printemps 1974, et j’ai intégré le Nippon Kendo Kata comme élément central de l’entrainement pour la première fois. Jusqu’à lors l’entrainement du kata consistait principalement en la maitrise de la forme extérieure correcte comme annexe pour les passages de grade. L’idée d’étudier le kata comme  programme pour cultiver les techniques physiques et prendre conscience de son propre corps par la réflexion sur de nouveaux mouvements glanés par des confrontations avec un partenaire, un élément à la fois, n’a jamais reçu autant d’attention. Plutôt que de parler du kata aux étudiants, j’ai pensé qu’il était mieux que je me lance dans chaque attaque, un étudiant après l’autre.

Après avoir réaliser ce processus pendant environ 15 ans, j’ai commencé à réaliser à quel point le kata est remarquable. Avant cette révélation, j’ai toujours pensé que le kata était séparé du kendō au shinai, mais j’ai commencé à comprendre qu’il apportait beaucoup de notions intéressantes. J’ai commencé à élaborer des méthodes d’enseignement efficace du kata, et je continue encore aujourd’hui à enseigner différentes méthodes aux étudiants.

Au regard des problèmes liés au kata, je voudrais aurjoud’hui parler des formes de référence (yōshiki) et des confrontations (shōbu). En exécutant les mouvements décrits dans le kata, nous devons aussi rechercher les moyens de transcender les codifications des techniques. Dans une présentation faite par le professeur Mitsuhashi de l’Université Chūkyō intitulée Shōbu – Senron (La Théorie du sen dans la confrontation), ce-dernier examine la méthode et la signification de la perception du sen ou de l’initiative dans le kata. Je voudrais mettre l’accent sur ces deux points, et considérer les méthodes d’enseignement du kata basées sur trois éléments : la conscience physique (ishiki), la sensation (kankaku) et la technique (gihō).

Enseigner le Kata

Les formes de référence du Kata

Dans le kata, deux personnes se font face à une distance de neufs pas, et observent une position qui est universelle et pleine (basée sur les cinq éléments). En restant en kamae, chaque protagoniste avance en pas glissés (suri-ashi), et les armes passent de l’état de lames “sensorielles” (shoku-ha) à celui de lames croisées (kō-ha) à une distance permettant un assaut, puis l’initiative de l’attaque (sen) est saisie. Une technique appropriée est réalisée, et le zanshin est démontré après l’exécution par le maintien d’une disponibilité physique et psychologique. Les sabres sont alors croisés à nouveau en ai-chūdan , abaissés (sans exprimer de “rupture” du kamae), et ensuite chacun regagne sa position de départ (9 pas de distance) en suri-ashi.
Le kata implique la répétition de ce procédé. Les deux s’engagent dans la rencontre en passant de l’intervalle humain (ningen-no-ma), où les protagonistes se font face à 9 pas, à la distance d’attaque (zantotsu-kōbō-no-ma) où les techniques d’attaque et de défense sont réalisées.
Je pense que la façon dont est perçu ce modèle est ce qui manque dans l’enseignement du kata. Les protagonistes avancent l’un vers l’autre mais leurs sensations ne sont pas liées. On dit aux étudiants de réaliser ceci ou cela dans l’action mais sans comprendre le sens réel du verouillage de la distance.

Dans la deuxième moitié du 18e siècle, Kashibuchi Ariyoshi a écrit le Geijutsu bukō-ron dans lequel il enseigne que le ma-ai est la distance dans laquelle l’ennemi peut approcher, et où vous pouvez agir. Il tente de prendre sa position, et vous tentez de réguler votre distance. Cela crée un équilibre (tsuri-ai). Les deux sont remplis de ki, et recherchent une opportunité. Ceci est appelé “ki-ai”. Tous ces éléments que sont ma-ai, tsuri-ai et ki-ai sont évidents dans la configuration du kata; et le moment où l’on approche, à la fois physiquement et psychologiquement, de la distance décisive dans laquelle va se décider la victoire ou la défaite peut être décrit par ki-shō-ten-ketsu (introduction, développement, tournant, et conclusion) – similaire aux poésies Chinoise et Japonaise.

Le lien particulier entre deux êtres humains commence par une distance de neuf pas. Alors que cette distance se réduit, ma-ai, tsuri-ai et ki-ai deviennent plus intenses. La sensation du danger imminent, alors que la distance se réduit, est des plus importante dans le kata. Elle est même une partie intégrante de la séquence d’exécution. La manière de tenir son kamae et d’être lié à lui pendant que l’on avance est, je pense, primordiale et est devenue une constante du modèle du kata dans la période Tokugawa sous l’influence de la culture de l’esthétique (geidō bunka). Yuasa Yasuo a défini les méthodes de pratiques du Bouddhisme : zazen, où le pratiquant s’assoie dans une contemplation silencieuse (méthode de méditation sereine), et dōzen, où le pratiquant médite tout en marchant (méthode de méditation en mouvement). Il pointe aussi le fait que les arts martiaux Japonais ont une tradition d’intégration de méthodes de méditation en mouvement pour atteindre de manière graduelle un état de non-pensée (mushin).
Cela est cohérent avec la pensée du moine zen Hakuin selon laquelle le travail produit en mouvement est un milliard de fois meilleur que celui produit dans la tranquilité. La confrontation des techniques est décrite par l’estimation au préalable de la distance (ma) et de la position (ba). Cela est similaire au fait de disposer des plats différents sur un plateau pour obtenir l’effet le plus séduisant, et montre l’importance de la signfication et du déplacement des modèles visuel dans le kata.
Quelque fois, je prépare mon dîner à la maison car il est ennuyeux d’acheter des repas préparés au supermarché. Il est bien plus gratifiant d’avoir un grand plateau décoré et de définir des méthodes d’agencement plus attrayant de la nourriture … et cela a meilleur goût aussi.
En ce sens, je pense que les différentes formes de référence des mouvements dans le kata servent à générer une élévation mutuelle préparative alors que les deux protagonistes s’approchent l’un de l’autre, et donc sont une partie intégrante de l’intérêt du kata.

Shōbu – L’importance de percevoir le Sen

Bien que le kata se composent de mouvement prédéterminés, son essence se trouve dans la transcendence des limites prescrites. En d’autres termes, le shōbu ou affrontement est gagné  en concevant une méthode de perception du sen (initiative) au moment où les deux sabres se croisent à la distance d’attaque.
Dans le tachi-no-kata avec les sabres longs, l’attaque initiale est faite après avoir vu l’opportunité (ki wo mite), mais dans le kodachi-no-kata avec le sabre court, l’action avant la contre-attaque est décrite comme l’entrée directe pour forcer une opportunité (irimi). Il est à noter que la création de cette chance de victoire est très importante, mais de nos jours peu d’attention semble être apportée à cette notion dans l’enseignement.
Dans la première explication officielle du kata qui a été faite quand l’ensemble a été formulé, il est mentionné que les numéros 1, 2, 3 et 5 sont gagnés par sen-sen-no-sen, et les 4, 6, et 7 par go-no-sen; mais aucune référence n’est faite au kodachi-no-kata. Le professeur Mitsuhashi explique  l’utilisation de ces deux variétés de sen pour atteindre la victoire. Il a enseigné à l’école Normale Supérieure de Tokyo et à l’Université Keio, et était un membre actif de l’Académie Japonaise du Budo. Ses interprétations de sen-sen-no-sen et go-no-sen m’ont été extrêmement utiles au moment d’enseigner aux étudiants, et je voudrais partager ses idées avec vous.

“ Depuis les temps anciens, l’opportunité d’atteindre la victoire a été exprimée avec le terme “sen”. Dans le Nippon Kendo Kata, les deux variations sen-sen-no-sen et go-no-sen sont utilisées pour avoir l’avantage, et ces principes sont insufflés dans les formes de référence. Sen-sen-no-sen consiste à gagner par l’anticipation (avant que la technique de l’adversaire ne commence), alors que go-no-sen consiste à obtenir la victoire par un mouvement réflexe conditionné. Particulièrement dans les sports où le résultat est décidé en un instant, il n’y a pas d’autre manière de gagner en dehors de l’utilisation d’un mouvement réflexe ou d’anticipation. Bien sûr, aucun des deux n’est nécessairement exclusif, et il y a des moments où ils sont si proches qu’il est impossible de les différentier. Il y a aussi des occasions où ils sont coordonnés. Bien que la relation entre les deux est variée, le principe de base est toujours axé sur l’anticipation ou le réflexe. Dans le kendō, sen-sen-no-sen sert à gagner au travers d’une perception vive des intentions de l’opposant, et go-no-sen au travers d’une réaction réflexe.”
C’est un concept assez compliqué à saisir, mais pour démontrer son propos il explique le raisonnement des kata 1 et 6 dans lesquels il catégorise les chances de victoires observables et les chances de victoires psychologiquement nuancées.

En ce sens, il est normal de classifier les techniques en shikake-waza (attaque), ai-uchi (attaque simultanée) et ōji-waza (contre-attaque). Dans shikake-waza, on obtient la victoire par l’anticipation (sen-sen-no-sen), tout comme on l’obtient par une action réflexe (go-no-sen). De la même manière, il y a sen-sen-no-sen et go-no-sen dans ai-uchi et ōji-waza. Si quelqu’un ne peut déterminer la perspective importante, elle ne pourra pas être comprise simplement en regardant le kendō. Les protagonistes doivent être capables d’observer l’esprit de l’autre et, dans le but d’interagir sur ce plan, les points essentiels doivent être étudiés avec attention durant l’entrainement quotidien. C’était l’argumentation du professor Mitsuhashi.

Dans le kendō moderne, l’explication officielle du kata (Kata no Kaisetsu) ne peut pas être comprise uniquement par la perspective des chances observables de victoires, mais peut être clarifiée au travers de la théorie du “sen” de Mitsuhashi et les moyens d’atteindre la victoire (par l’anticipation ou le réflexe). Quoi qu’il en soit, le problème reste de savoir comment mettre en pratique concrètement cette théorie quand on enseigne aux débutants. Comprendre un concept et l’enseigner sont deux choses différentes.

 

Chances de victoire observables Chances de victoires non observables
1. Shikake-waza a. victoire par anticipation
b. victoire par action réflexe
2. Ai-uchi a. victoire par anticipation
b. victoire par action réflexe
3. Ōji-waza a. victoire par anticipation
b. victoire par action réflexe

Je voudrais vous citer un passage du travail de Ōta Ryūhō pour vous donner des pistes afin de surmonter ce problème :
“Sen-sen-no-sen: Il en existe deux types – tangible avec la forme (ukei), et impalpable sans la forme (mukei). Le premier se réfère à l’application de la pression en premier et, juste au moment où l’opposant est sur le point de réagir, d’attaquer avant lui en évitant de saisir avec précision son mouvement. Le sen-sen-no-sen impalpable est le fait de vider d’abord le ki de l’opposant puis, comme son “intention de frapper” se manifeste, et que le pressentiment (nioi) de la cible visée résonne dans votre propre coeur, de répondre en attaquant avant que son attaque puisse se former. (nioi-no-sen).”
En combinant les idées d’Ōta de sen-sen-no-sen tangible (ukei) et impalpable (mukei) avec la théorie du sen de Mitsuhashi et en l’enseignant aux débutants, j’ai pensé qu’un sens du réalisme pouvait être créé. Dans la question des formes de références dans le kata, le fait de saisir la théorie du sen alors que la distance est vérouillée va permettre même aux débutants de ressentir un réalisme dans sen-sen-no-sen avec le choc du ki au Yaa!

De cette façon, il est possible d’obtenir une direction à suivre pour l’enseignement du kata aux débutants avec le sen-sen-no-sen tangible, et avec le sen-sen-no-sen impalpable pour les pratiquants plus avancés. Quand on enseigne à des novices, le fait de concevoir ukei sen-sen-no-sen (attirer, exhorter, ou faire attaquer l’opposant en premier) va élever le sens du réalisme en estimant l’opportunité d’attaque dans le kata, et va aussi faciliter l’apprentissage du ai-ki (ki mutuel et harmonieux). En allant vers un processus de minimalisation ou de réduction du mouvement pour les pratiquants plus avancés, il est possible d’ouvrir une voie vers nioi-no-sen où l’intention de l’opposant est ressentie plutôt que vue. Donc, en combinant les théories adoptées par ces deux professeurs, les pratiquants débutants et experts peuvent tous bénéficier grandement de l’étude du kata.

Principes techniques et mouvements physiques

Avant de parler de principes techniques et de mouvement physique dans le Nippon Kendo Kata, je pense qu’il est nécessaire de souligner la progression transitoire observée au début de l’ère moderne quand le kata kenjutsu et le shinai kenjutsu coexistaient. Le professeur Nagao Susumu a déjà analysé en détails la façon dont chaque type de déplacement s’est développé. Conformément à ses recherches, il apparaît évident qu’au temps de Miyamoto Musashi, le ayumi-ashi était expliqué en ces termes : Yin et yang. C’est fondamental. “Quand vous coupez, tirez votre sabre en arrière ou même en recevant une attaque, bougez avec votre jambe gauche puis votre droite, gauche et droite, yin et yang”. Nagao affirme aussi qu’en complément de ce type de déplacement de base (ayumi-ashi), le pas glissé (okuri-ashi) utilisé dans le kendō moderne existait aussi.

Il souligne aussi que l’utilisation fréquente de okuri-ashi a été établie autour de l’ère Tempō (1831‒45), à l’époque où Ōishi Susumu entra en scène avec son shinai long. En outre, avec la fréquence plus élevée de okuri-ashi, nous constatons un changement majeur dans la façon avec laquelle est utilisé le pied arrière (en général le pied gauche). Il conclut que depuis cette période, il est devenu classique que le talon gauche soit légèrement soulevé au dessus du sol et reste dans cette position lors des déplacements et des attaques. La pointe du katana a tendance à flancher quand on marche avec celle-ci en avant du corps en tenant le sabre avec les deux mains, et il est difficile de manoeuvrer avec souplesse. Cela devient encore plus contraignant avec un sabre plus long. En outre, okuri-ashi est devenu de plus en plus commun au travers des innovations apportées par les maîtres d’escrime comme Chiba Shūsaku pour augmenter la vitesse du shinai kenjutsu. Il fut constaté qu’avoir le talon gauche relevé et s’abstenir d’écarter les pieds était le plus efficace pour faciliter la rapidité.

Les septs premiers mouvements du Nippon Kendo Kata sont constitués des techniques suivantes : 3  nuki-waza (1, 2 et 7); deux suriage-waza (5 – omote, et 6 – ura); ire-tsuki (3); et makikaeshi-waza (4). Dans les trois mouvements du kodachi-no-kata on trouve deux ukenagashi-waza (1 – omote, et  2 – ura); et une combinaison de suriage, suri-otoshi, suri-nagashi et suri-komi utilisé pour maitriser l’opposant (3).
Quand les protagonistes sont séparés au delà de la distance d’attaque, ils se déplacent avec ayumi-ashi; cependant, quand la distance est proche, shidachi utilise principalement okuri-ashi, et en fonction du waza, va se reculer, glisser ou bouger sur le côté (hiraki-ashi). Dans tous les cas, le mouvement est fondamentalement effectué en glissant sur le sol (suri-ashi).

Ensuite, je voudrais considérer la question des principes techniques dans l’exécution des waza, et les mouvements physiques. En parcourant les explications officielles du Nippon Kendo Kata, je voudrais examiner le kata par les trois composantes que sont la posture, la respiration et le déplacement.

(a) Tatsu (Position debout) ‒ Shizentai (Position naturelle debout)

Relâché dans le haut du cops, et fort dans le bas du corps (jōkyo-kajitsu), la position doit être simple, profonde, grande et emplie de dignité.

Koshi wo tateru (Elever les hanches)

Les talons de chaque pieds devraient être séparés d’environ la distance d’un poing avec les pointes des orteils, à largeur d’épaules. L’arrière du genou ne doit pas être trop tendu, et la position doit se concentrer aux points au milieu de chaque pied, au dessus de la plante (ni-soku yūsen-dachi). Les hanches devraient s’élever et fusionner avec le dos. Cela va descendre le diaphragme, et concentrer la tension dans le bas de l’abdomen, ce qui va permettre d’ajuster les hanches.
Le dos doit être droit, et les épaules roulées en arrières et détendues. La poitrine est relachée, le cou redressé et les yeux fixés. Cette sensation est aisée à saisir si quelqu’un devait soudainement claquer votre septième vertèbre cervicale avec le plat de la main. Si le centre de gravité est situé dans le triangle entre les plantes des deux pieds, cela va faciliter jōko-kajitsu dans la position shizentai, ce qui va ensuite opérer comme plateforme de manoeuvre.

L’avant – sur l’engagement dans Tachi-keiko

Le Kendō implique un face-à-face constant dans une position orientée vers l’avant, et même si le contact visuel est perdu, c’est seulement pour une fraction de seconde. Les protagonistes s’affrontent à une distance d’environ 2 mètres, et s’engagent dans tachi-keiko (keiko debout), en correspondance à la position shizentai de l’autre (disponibilité, sensations, technique). En fixant le regard sur le visage de l’opposant sans être concentré sur ses yeux, les adeptes dominent toute expression d’oppression, de maladresse ou de fatigue. On appelle cela enzan-no-metsuke (le regard observant une montagne lointaine), et les yeux restent concentrés sur le point au milieu du visage de l’adversaire, connu sous le nom de seigan.

(b) Bouger = Manoeuvrer avec Shinzentai

Il est connu que le déplacement est devenu suri-ashi quand l’entrainement a été déplacé de l’extérieur vers l’intérieur, sur du sol en bois. Suri-ashi est un mouvement en cercle fermé, les deux pieds maintenant le contact au sol, amenant la stabilité et le déplacement rapide et souple dans toute direction. Comme la stabilité est maintenue, le sabre peut être actionné pendant que le kamae reste stable et que les adeptes bougent pour attaquer l’opposant de la plus subtile des distances; et cela rend possible la suite dans le fumikomi-ashi dans le cas du shinai kendō.
Je m’abstiendrai ici de plonger dans les diverses autres formes de déplacement utilisées dans le kendō. Il suffira de dire que ce n’est pas un suri-ashi si les talons sont lents et que les plantes des pieds se lèvent lord du déplacement. Il faut avoir la sensation d’avoir les talons fermes, mais manoeuvrer efficacement pour ne pas avoir de crampes aux orteils. Assurez-vous que les pieds ne soient pas tournés vers le haut, et veillez à ce que les hanches soient stables avec une zone dans le bas-ventre remplie par une respiration alongée, les genoux souples et les talons stables afin de déplacer le corps de manière uniforme sur le sol.

(c) La Respiration

Le point suivant concerne la respiration. La respiration consciente (pression abdominale soutenue ‒ abaissant continuellement le diaphragme) est une méthode de respiration que seul l’être humain peut accomplir. Elle est intimement liée à toute sorte d’activités essentielles, et il y est fait allusion dans les écrits de Chiba Shūsaku où il déclare : “Le sabre est manipulé avec la respiration explosive ‒ shin-ki-ryoku-itchi (union de l’esprit, de la force et de la technique).”
En Juin de cette année, j’étais dans un lycée à Nara pour superviser des enseignants stagiaires. Une des unités d’étude concernait le système circulatoire et le système respiratoire. Du fait que l’école était localisée dans une région vallonée, les étudiants venaient à l’école chaque jour en traversant des rues escarpées en vélo. J’ai pu observer chez ces enfants le développement de leur endurance, de leur capacité cardiovasculaire et respiratoire, et cela m’a donné l’opportunité de réfléchir à l’importance de la respiration. La respiration consciente ne peut être réalisée que par des êtres dôtés d’intelligence. Quand nous sommes endormis nous respirons instinctivement, mais nous ne respirons pas quand nous parlons. En ce sens, nous sommes dans le contrôle des instants où nous inspirons et où nous expirons.
Cela est lié à la question de savoir quand respirer pendant le kata ou l’entrainement au shinai en  kendō, ou comment respirer quand on exécute le kirikaeshi, l’uchikomi, ou le kakari-geiko. Dans le cas du kata, il y a plusieurs moments où l’on vous dit de ne pas respirer, de retenir votre respiration …  Qu’est-ce que le processus respiratoire entraîne à partir du Yah! jusqu’à la démonstration du zanshin ?  Le Kata est un moyen précieux d’étudier la méthode respiratoire.

Respiration prolongée
L’expiration prolongée est toujours active, et est très importante quand les humains cherchent à réaliser une action en un souffle. Ceci est associé avec la capacité à déclencher une technique à un moment donné face à un adversaire.

Expiration instantanée
Les épaules se soulèvent quand on inhale car le diaphragme s’abaisse quand on inspire. Toutefois, expirer instantanément sans laisser les épaules se soulever, par exemple être capable d’expirer instantanément même pendant une inspiration, est quelque chose qu’il nous faut étudier.

Expiration abdominale instantanée et puissante
Cela peut conduire au musei (silence), mais se réfère habituellement à l’exécution de la technique avec un vocalisation forte. En élaborant des méthodes d’ajustement des hanches et en réalisant ce type d’expiration lors de la rotation du corps, il devient possible d’utiliser les membres supérieurs et inférieurs de différentes manières.

Chaque kata en deux respirations
Dans les temps anciens, les gens étaient capables d’accomplir des faits remarquables comme traverser le Nihonbashi Bridge en un souffle. Nous ne sommes plus au niveau de nos ancêtres de nos jours, mais je suis convaincu que nous pouvons avoir pour objectif de compléter chaque kata avec deux souffles. Inspirer et affirmer le kamae à 9 pas de distance, “expirer à mesure que la distance se réduit, que les sabres se touchent, se croisent et que la technique est exécutée”, zanshin, ai-chūdan. Tout cela peut être fait en un souffle. Puis inspirez alors que les sabres redescendent, expirez alors que vous reculez jusqu’à vos positions initiales.

Aiki-awase (Harmoniser le ki)
Les protagonistes font correspondre leur ki alors qu’ils passent par la distance humaine (ningen-no-ma) et celle d’attaque et de défense (zantotsu kobo-no-ma). Spécialement quand on enseigne aux débutants, il faut s’assurer qu’ils exécutent le kata en unissant leur conscience, leurs sensations et la technique quand ils se déplacent à partir de chūdan-no-kamae.  A ce niveau, introduisez les sons (Iii, Yaa, Haa, Iei, Toh) pour unifier la respiration, et les rendre capable de prolonger leur respiration. Demandez une expiration longue à partir du premier pas, puis faites leur expirer avec   Iiiiiii, Yaaaaa, Haaaaa, Iei, Toooh. Cela va les faire expirer en continu. Les enfants sont excités quand il s’agit de crier, il devraient donc saisir assez facilement l’idée du ki unifié. Puis, en incorporant les deux souffles par kata que j’ai mentionné, en se déplaçant en ayumi-ashi avec les vocalisations (Iii Yaa Haa) et le souffle prolongé, ils entrent dans la distance d’attaque (choc de ki). Quand le souffle s’arrête à ce niveau, uchidachi expire en attaquant avec Iei, alors que shidachi recule puis réavance avec un souffle abdominal instantané (Toh). Les deux reprennent ai-chūdan, inspirent tandis que les kensen sont abaissés, et expirent ensuite alors qu’ils reprennent leur points de départ, utilisant deux souffles au total.

Résumé
L’an dernier, nous avons évoqué la transition de datotsu et zantotsu et le processus qui est impliqué. Cette fois, j’ai présenté différents thèmes liés au Nippon Kendo Kata, et observé la transition de  zantotsu vers datotsu. Cela complète la vue d’ensemble, et permet de conclure ma tentative visant à saisir le lien entre ces deux aspects. Il y a toujours beaucoup de domaines nécessitant d’être examinés, et cela est nécessaire pour assurer la poursuite de la transmission du kendō en accord avec la notion de shinai-sabre, par exemple, le sabre qui est dirigé vers un opposant est aussi dirigé vers soi, comme un chemin vers le développement personnel.

En résumé :
Déplacement
Sol : ¨ Comme la marche (Musashi) ¨ – Okuri-ashi
Plancher : ¨ Utilisation du glissement suri-ashi ¨ – Ayumi-ashi ‒ okuri-ashi (hiki, tsugi, hiraki) – Développement du fumikomi-ashi en tant qu’extension de ceci.

Zantotsu / Datotsu
Zantotsu – couper en tirant le sabre
Datotsu – couper en poussant le sabre

L’utilisation du sabre (katana, bokutō, shinai) a été établi par le caractère restrictif de l’utilisation des deux mains, et la pointe (kensen), la ligne de coupe (hasuji), et la surface (shinogi). Le summum de ce processus se trouve dans les idéaux fondamentaux des écoles traditionnelles que sont le Yagyū Shinkage-ryū et le Ittō-ryū, et représenté par des techniques telles que jūmonji-gachi et kiri-otoshi. Dans le Nippon Kendo Kata, il est exprimé par la notion de recherche d’opportunité [d’attaquer] (ki-wo-mite). En outre, on le trouve également dans le shinai-kendō, dans des techniques comme de-gashira et ai-uchi.

Dans la dernière présentation, j’ai analysé le déplacement et la frappe comme une action unifié, frapper avec suri-ashi et fumikomi-ashi en sont les deux modèles typiques. Les jeunes pratiquants de kendō ont de nos jours une grande explosivité et une confiance considérable dans la puissance générée par leur fumikomi-ashi et leurs attaques de men, et tendent à penser que fumikomi et suri-ashi sont deux entités séparées.
Toutefois, si vous vous intéressez de plus près à la transition de ce mouvement, il est clair qu’ils ne doivent pas être traités séparément. Comme je l’ai développé dans ma présentation précédente,   suri-ashi est un cercle fermé de mouvement dans lequel la jambe gauche propulse les hanches et la jambe droite tire le corps vers l’avant dans un mouvement intégré. C’est aussi un cercle ouvert de mouvement similaire à un lanceur de baseball qui utilise toutes ces articulations pour lancer la balle avec une puissance incroyable. Le cerle ouvert de mouvement est extremement instable, et au milieu d’un lancer, quand le pied droit est déplacé, que la cheville est tournée et que la puissance est concentrée dans les extrémités du corps, cet instant devient un cercle fermé. Le cercle fermé devient  un mouvement de cercle ouvert pour un instant.

Quand cela se produit, les hanches effectuent un grand déplacement. Ce processus est un cercle ouvert mais entraine instantanément un cercle fermé, ce qui est essentiellement un cercle fermé dynamique. Prenant cela en considération, le déplacement en suri-ashi et le suburi sont contigus. Alors même que les étudiants ont une grande puissance de propulsion dans leurs frappes, c’est en fait une extension du suri-ashi. Nos prédécesseurs ont pensé que cette méthode était une façon de se déplacer rapidement et librement dans un dōjō en intérieur avec un sol en bois.

Il y a un an quand j’ai présenté mes idées sur le mouvement en cercle fermé dynamique, j’ai eu une compréhension intellectuelle du concept mais j’ai dû le réaliser de manière plus compréhensible dans mon keiko quand je me suis blessé certaines articulations et que j’ai eu des difficultés à réaliser le fumikomi. Cela m’a donné l’opportunité de penser plus longuement au fait que le fumikomi n’est pas séparé du suri-ashi, mais lui est en fait connecté, et en est une extension.

J’ai toujours été impressionné par le maître de kendō Hashimoto Akio du fait de son sens du déplacement. Quand je l’ai rencontré l’autre jour à Matsuyama, je lui ai parlé de ma révélation concernant le fait que le fumikomi est une extension du suri-ashi. Il a été surpris que cela m’ait pris aussi longtemps. Après tout ce temps, j’ai aussi compris la théorie de Morita Bunjūrō selon laquelle, pour maintenir une ligne définie sur le côté gauche du corps, connectant le genou gauche à la taille, il faut bouger en un seul instant la hanche gauche avec le genou droit. La manière dont il explique ce concept est différente, mais c’est essentiellement la même chose.

Le problème du déplacement en avant à partir de la hanche gauche et celui du déplacement en diagonale sont tous deux connectés même si le démarrage initial est différent, les deux pieds étant déplacés simultanément.
Comme l’enseigne le professeur Morita, le pivot sur la hanche gauche et l’action diagonale devraient être coordonnés au même moment dans le mouvement. En d’autres termes, former  une unité tout en se déplaçant dans une action souple facilite l’utilisation homogène du sabre. L’homogénéité est réalisée en assimilant le hara (zone abdominale) et le dos au côté gauche (hidari no hase ichimai), et c’est à son tour lié au okuri-ashi. J’en suis venu à comprendre qu’il s’agit du fait que suri-ashi et okuri-ashi se produisent dans fumikomi-ashi.

J’espère que cela vous a donné des pistes en ce qui concerne la manière d’enseigner le fumikomi-ashi aux enfants. Vous devez faire un pas en avant à partir des hanches sur une ligne diagonale à droite ou à gauche pour exécuter une frappe. Le problème de la rupture de la posture lors de la frappe avec fumikomi-ashi est lié à l’importance du mouvement coalescent du noyau et du dos (hase-ichimai). Cela rend la connexion entre le shinai-kendo et le déplacement inextricables, et à partir du moment où vous pouvez reconnaître que suri-ashi et fumikomi-ashi sont associés, il sera possible d’enseigner correctement le travail de pieds correct pour la compréhension du kendo en armure.  Il y a beaucoup d’autres aspects de l’enseignement du kata que j’aurais pu traiter, mais j’ai décidé de me concentrer sur la question du suri-ashi et de la connexion technique et physique entre zantotsu et datotsu.

Questions et Reponses

Sugie (Osaka University): Je voudrais en connaître davantage sur les travaux sur Ii – Yah – Ha – Ei – Toh.
Sakudō: Yah, Toh me semblent être la base. Yah est en général utilisé comme une sorte de salutation. Il existe également beaucoup d’instructeurs qui remarquent qu’une finition solide peut être obtenue avec les vocalisations de Ei et Toh plutôt. Je crois que beaucoup de réflexions ont été menées sur cette question quand les kata on été créés pour la première fois. Toutefois, je pense toujours que des analyses supplémentaires ont besoin d’être menées à partir de maintenant. En fin de compte, je crois  qu’il est important d’atteindre la sensation de resserrement de l’abdomen.

Hashizume (Toyama University): Dans le Traité des Cinq Roues, Miyamoto Musashi a écrit : “Ne faites pas de cri au même moment que l’attaque”. Toutefois, en 1955, Takano Sasaburō a établi que : “Le cri prend place en même temps que l’attaque”. Le kendō moderne enseigne aussi que le cri intervient au même moment que l’attaque. Je voulais avoir votre opinion concernant le timing originel du cri. Et également, qu’arrive-t-il quand cela devient musei ?
Sakudō: Je ne suis pas trop familier avec ceci. Toutefois, quand les enfants pratiquent le kata, j’ai remarqué qu’ils ont tendance à crier Ii – Yah – Haa en un souffle, mais qu’ils inspirent brièvement quand ils crient Toh and Ei. Quand j’enseigne, j’essaie de décourager cette pratique et de stimuler  des souffles plus longs. J’insiste sur le fait de se déplacer en un souffle de la position de départ à approximativement 9 pas jusqu’à ce que l’espace soit assez proche pour démarrer l’attaque.
Concernant la question du timing, Musashi enseigne aussi à élever la voix avec la victoire. Mais ne pensez-vous pas qu’un adversaire qui se laisse emballer en criant yah~ yah après qu’il vous ai frappé ne serait pas irritant ? Ce type de cri n’est pas correct. Comme je l’ai mentionné plus tôt, c’est l’élément de pression continue sur le hara (abdomen) qui forme le cri. Et, à ce niveau je recommande aux gens de focaliser leur attention sur cela dans le kendō. Le cri et un mouvement solide, compact, devraient être unifiés.

Enomoto (Nanzan University): Quand je réfléchit sur la respiration en relation avec sen-sen-no-sen et nioi-no-sen, je me demande si il est raisonnable de le voir comme la transformation du vocal au silencieux (musei). J’ai rédigé un article sur les questions liées au son, et je crois que le processus    par lequel le cri se développe en musei est toujours mal compris.
Sakudō: Il me semble que c’était Takano Sasaburō qui disait qu’il fallait combler la distance (maai)  tout en exprimant Ii, Yaa, Haa à l’intérieur de la bouche sans en faire sortir le moindre son.
Enomoto: Je suppose qu’il s’agit de commencer par Ii et de ne pas exprimer la suite de manière audible, comme si le son était abrégé.
Sakudō: Est-ce que tout le monde est familier avec les implications de ukei-no-sen (le sen palpable)? C’est extrêmement efficace quand on enseigne aux débutants. Par exemple, quand on exécute le second kata, la pointe (kensen) du sabre de shidachi devrait être dirigé vers le sein gauche de son opposant. Si on entre directement tout droit, cela signifiera que le kote ne pourra jamais être coupé par uchidachi car l’attaque serait théoriquement stoppée par le kensen. En résumé, il faut prendre en compte la façon dont shidachi doit induire l’attaque, et ce que va être la réponse de uchidachi. La question devient alors : Comment créer les circonstances pour lire ou prévoir l’action qui s’ensuit ? Il y a plusieurs manières d’expérimenter ceci, mais généralement dans le cas des débutants, vous devez enseigner comment éviter l’attaque de l’adversaire après qu’une ouverture soit apparue et qu’elle ait été exploitée. L’idée de ukei-no-sen offre des concepts intéressants, et peut inciter à ressentir le réalisme de l’affrontement (shōbu).
Même lors du keiko (entraînement), la question du cri est liée à la manière dont le ki de l’adversaire est soumis alors que les deux pratiquants contrent chacun l’esprit de l’autre. En montrant ukei-no-sen, l’adversaire est contraint à réaliser une attaque. Enseigner la bonne manière de contrer ceci ajoute au réalisme du kamae et de la confrontation du ki. Enseigner de cette façon va pousser les enfants à produire des cris qui vont “secouer le plafond”. Ils vont apprendre à allonger leur respiration, et vous allez constater un changement progressif en eux. Cela rend le kendō très intéressant à enseigner aux débutants.

Poussez les étudiants à avoir une sensation élevée de l’esprit quand ils s’affrontent avec leurs armes, et finissez le processus par zanshin. C’est similaire au kabuki (théâtre japonais). Il y a l’intensité qui justifie une coupe, et il doit aussi y avoir un élément théâtral. Et, comme dans l’univers du kabuki, enseigner aux étudiants à ne pas devenir trop enthousiaste est aussi très important. Au fond, ce que j’essaie de dire est que si quelqu’un comprend que suri-ashi et fumikomi-ashi utilisés dans le shinai kendō sont connectés, alors il peut comprendre que le bōgu kendō est intimement lié au kata.

Nakamura (Fukushima University): Tout en étant un comportement traditionnel, shizentai (position naturelle du corps), suri-ashi, les méthodes respiratoires, etc … sont aussi des formes de pensées culturelles traditionnelles. Je peux voir le lien entre ces concepts et l’utilisation du Nippon Kendo Kata comme ressource complète d’enseignement.
Sakudō: La relation très marquée entre les deux protagonistes est de toute importance. Il est essentiel de réaliser ce qui est important sinon personne ne comprendra la culture du kendō, ou comment la transmettre.

MC: Nous avons parlé du kata et du shinai-uchi en liaison avec des attaques en suri-ashi et fumikomi, ainsi que de l’action de réduire la distance. En d’autres termes, il a été question du positionnement (ba) et de l’esprit (ki). Et, à la lumière de ces éléments, vous pouvez connaître ce qui se passe dans chaque situation. Il n’est pas question ici d’affaiblir l’action de crier Yaa et Toh, mais de mettre en avant les questions clés de l’enseigment du ki-ai (esprit), du ba-ai (positionnement), du ma-ai (intervalle). A travers cela la culture du sabre peut être véhiculée, et c’est applicable également au kendo en bogu et shinai. Est-ce qu’il est correct de résumer ainsi les points clés de votre exposé ?
Sakudō: C’est juste.
MC: Merci beaucoup pour ce discous très instructif sur la voie de l’enseignement du kendō. Cela conclut le symposium.